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TROUBLE ANORMAL DE VOISINAGE : construction en limite de propriété et l’absence de droit de conserver son environnement et son droit à la vue en milieu urbain

Nos compétences en Droit de l'Immobilier et Droit de la Construction

Se plaignant que la construction de deux maisons dans un lotissement créé en limite sud de sa propriété, obture la vue dégagée dont elle disposait sur la campagne, crée des vues sur son fonds et cause une dépréciation de son bien, Mme [D] a, après expertise, assigné, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, les propriétaires voisins.

La cour d’appel a rejeté les demandes de Mme [D], en considérant que :

  • S’agissant de la perte d’intimité, aucune précision sur les distances séparant les propriétés n’étaient apportées, et que le caractère normal du trouble se déduisait des mesures que le voisin qui souffre du trouble pouvait prendre pour s’en prémunir, en plantant notamment des haies ;
  • S’agissant de la perte de la valeur vénale, celle-ci ne peut résulter des trois estimations immobilières et de l’affirmation de l’expert selon laquelle le bien est affecté d’une moins-value ;
  • Les troubles allégués ont pour origine la modification du PLU dont les constructions ne sont que la conséquence, et qu’elles ont été édifiées en respectant toutes les réglementations applicables !

La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs :


En premier lieu, la cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que si la construction d’un lotissement en limite sud de la propriété de Mme [D] modifiait son cadre de vie et la privait de la vue dégagée et vide de toute construction dont elle disposait jusqu’à la modification du plan local d’urbanisme ayant supprimé l’interdiction de construire en-deçà de 75 mètres de la route départementale, le droit à la vue n’était pas protégé dans un milieu urbanisé à proximité immédiate d’une voie de déviation routière, dans une commune en pleine expansion et vouée à s’urbaniser.

Ayant ainsi fait ressortir que nul n’était assuré, en milieu urbain ou en voie d’urbanisation, de conserver son environnementqu’un plan d’urbanisme pouvait toujours remettre en cause, elle en a souverainement déduit que la perte de vue, dont rien ne démontrait la nature d’intérêt ou le caractère d’exception, ne caractérisait pas, dans ces circonstances, l’anormalité du trouble invoqué.

En second lieu, elle a relevé que, contrairement à ce que soutenait Mme [D], les deux maisons du lotissement n’étaient pas édifiées à moins de 3,5 mètres de la sienne mais à plus de 3,5 mètres de la limite divisoire, et a retenu, par une appréciation souveraine des pièces soumises à son examen, que la perte d’intimité dans le logement n’était pas caractérisée faute de précision sur la distance entre les pièces à vivre et la limite des fonds, et que celle invoquée au titre du jardin et des abords de la piscine, à laquelle il avait été remédié par la plantation de végétaux le long de la clôture, ne présentait pas un caractère de gravité traduisant son anormalité.

Cass. 3e civ., 9 nov. 2023, n°22-15.403