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CONSTRUCTION : le délai de prescription de 5 ans pour agir entre constructeurs, court à compter de l’assignation emportant demande de reconnaissance d’un droit, et non plus à compter d’une simple demande d’expertise

Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d’être lui-même assigné aux fins de paiement ou d’exécution de l’obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l’application de la prescription extinctive, avant l’introduction des demandes principales. Dès lors, l’assignation, si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.

En détail :

L’office public de l’habitat d’Aubervilliers (l’OPH) a confié au groupement constitué notamment de la société ATE, assurée auprès de la MAF, la maîtrise d’œuvre de travaux de restructuration et de réhabilitation d’un immeuble.

La société Arcade développement, devenue Arcade ingénierie, assurée auprès de la société L’Auxiliaire, est intervenue en qualité de sous-traitant de la société ATE.

La réception a eu lieu le 2 novembre 2008.

Se plaignant de désordres, l’OPH a, sur requête adressée le 13 septembre 2011 au tribunal administratif, obtenu la désignation d’un expert par ordonnance du 1er décembre 2011.

Par jugement du 19 janvier 2016, confirmé par arrêt de la cour administrative d’appel du 15 mars 2018, la société ATE a été condamnée, avec d’autres constructeurs, à payer à l’OPH une certaine somme pour remédier aux désordres.

Par acte du 6 mars 2018, la société ATE et la MAF ont assigné la société Archibald, ès qualités, et la société L’Auxiliaire pour que celle-ci soit condamnée à leur rembourser les sommes qu’elles avaient payées à l’OPH.

La société ATE et la MAF font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées contre la société L’Auxiliaire en mars 2018, en considérant que la prescription avait commencé à courir à compter de la requête en référé-expertise adressée par l’OPH d’Aubervilliers au tribunal administratif de Montreuil, soit le 13 septembre 2011.

Le pourvoi soutenait que « le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a fait l’objet de la demande indemnitaire qui motive ce recours », et que ce délai ne peut courir à compter d’une requête en référé expertise.

Ainsi, le point de départ du délai était le 28 novembre 2014, date à laquelle l’OPH d’Aubervilliers avait formé contre la société ATE une demande indemnitaire devant le tribunal administratif de Montreuil, de sorte que l’action formée au mois de mars 2018 n’était pas prescrite.

En réponse, la Cour de cassation relève qu’en application des dispositions de l’article 2219 du code civil, la prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps

En application des dispositions de l’article 2224 du code civil et de l’article L. 110-4, I, du code de commerce, que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Par un arrêt rendu le 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié), la troisième chambre civile a jugé, d’une part, que le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relevait des dispositions de l’article 2224 de code civil et se prescrivait par cinq ans à compter du jour où le premier avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, d’autre part, que tel était le cas d’une assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal, laquelle mettait en cause la responsabilité de ce dernier.

Cette dernière règle oblige cependant les constructeurs, dans certains cas, à introduire un recours en garantie contre d’autres intervenants avant même d’avoir été assignés en paiement par le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, dans le seul but d’interrompre la prescription. En effet, même lorsqu’ils ont interrompu la prescription en formant eux-mêmes une demande d’expertise contre les autres intervenants à l’opération de construction, le délai de cinq ans qui, après la suspension prévue par l’article 2239 du code civil, recommence à courir à compter du jour où la mesure d’expertise a été exécutée, peut expirer avant le délai de dix ans courant à compter de la désignation de l’expert, pendant lequel le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage peuvent agir en réparation de leurs préjudices.

La multiplication de ces recours préventifs, qui nuit à une bonne administration de la justice, conduit la Cour à modifier sa jurisprudence.

Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d’être lui-même assigné aux fins de paiement ou d’exécution de l’obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l’application de la prescription extinctive, avant l’introduction de ces demandes principales.

Dès lors, l’assignation, si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.

La jurisprudence nouvelle s’applique à l’instance en cours, dès lors qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la sécurité juridique de la société L’Auxiliaire tout en préservant le droit d’accès au juge de la société ATE et de la MAF.

Pour déclarer irrecevables les demandes de la société ATE et de la MAF, l’arrêt relève que ces sociétés ont assigné la société L’Auxiliaire en mars 2018, plus de cinq années après le 13 septembre 2011, date à laquelle la requête aux fins d’expertise les concernant avait été adressée au tribunal administratif par le maître de l’ouvrage, sans qu’il soit fait état d’aucun acte interruptif entre ces deux dates.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’assignation avait été délivrée à la société L’Auxiliaire par la société ATE et la MAF moins de cinq ans après la requête de l’OPH adressée à la juridiction administrative aux fins d’indemnisation de ses préjudices, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Civ. 3e Cass. , 14 déc. 2022 ; Pourvoi n° 21-21.305

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