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L’OPPOSITION AU PRIX DE VENTE D’UN FONDS DE COMMERCE

Nos compétences en Droit Civil & Droit des Personnes

Le fonds de commerce désigne l’ensemble des éléments corporels et incorporels qu’un commerçant rassemble et organise en vue de créer et entretenir une clientèle commerciale autonome.

Il peut arriver que le propriétaire du fonds de commerce qui souhaite vendre, soit débiteur de plusieurs créances.

Ainsi, lesdits créanciers peuvent espérer, à juste titre, être remboursés grâce au prix de la vente du fonds. C’est pour cette raison que la vente d’un fonds de commerce expose certaines personnes à des risques, tel que l’acheteur, les salariés, mais plus particulièrement, les créanciers.

Nous nous intéressons ici plus particulièrement aux risques encourus par les créanciers lors de la vente du fonds de commerce, ainsi que les solutions envisageables pour protéger leurs intérêts.

I. Les risques liés à la vente du fonds de commerce

Le principal risque auquel sont confrontés les créanciers, est l’indisponibilité du prix de la vente au jour de la vente du fonds de commerce, et donc de se retrouver dans l’impossibilité d’être remboursé de leur créance.

Ainsi, afin d’éviter que le vendeur n’encaisse le prix de vente sans désintéresser ses créanciers, la loi impose la mise sous séquestre du prix dès sa réception le jour de la vente. De ce fait, le prix ne sera pas versé directement entre les mains du vendeur, mais entre les mains d’un tiers, le séquestre.

Dans la pratique, ce sera très souvent le cabinet d’avocats chargé de superviser la vente du fonds de commerce, qui sera désigné comme séquestre.

Attention toutefois, le prix de vente ne pourra être séquestré que dans le ressort du tribunal de commerce dont dépend le fonds de commerce.

La loi a également mis en place un système d’opposition au prix de cession du fonds de commerce, pouvant être actionnée par les créanciers afin de faire connaitre leur créance.

II. L’opposition au prix de cession du fonds de commerce

L’opposition au prix de cession du fonds de commerce est une mesure conservatoire offerte aux créanciers pour se protéger contre le risque lié au non-recouvrement de leur créance. Autrement dit, l’opposition est l’acte par lequel le créancier du vendeur du fonds de commerce signifie au séquestre que le vendeur est débiteur d’une créance.

A. Les conditions de mise en œuvre de l’opposition

a) Le formalisme

Tout d’abord, l’opposition suppose que la vente ait été préalablement publiée. En effet, l’article L. 141-12 du code de commerce soumet à la publicité « toute vente ou cession de fonds de commerce, consentie même sous condition ou sous la forme d’un autre contrat, ainsi que toute attribution de fonds de commerce par partage ou licitation ».

L’article L. 141-14 de ce même code, prévoit que l’opposition doit être effectuée par acte extrajudiciaire, c’est-à-dire par exploit d’huissier, signifié au domicile élu, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Ce même article prévoit également que l’opposition doit énoncer, à peine de nullité, le chiffre et les causes de la créance, ainsi que l’élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds de commerce.

b) Les délais de mise d’opposition

En application de l’article L. 141-14 du Code de commerce, l’opposition doit intervenir dans les dix jours suivant la publication de la vente du fonds de commerce prévue par l’article L. 141-12 du Code de commerce.

Cependant, l’article L. 141-17 du Code de commerce dispose que « L’acquéreur qui paie son vendeur sans avoir procédé aux publications prescrites, ou avant l’expiration du délai de dix jours, n’est pas libéré à l’égard des tiers. »

L’administration fiscale, à travers le BOFIP rappelle également que « si les oppositions doivent être faites au plus tard avant l’expiration du délai, les créanciers peuvent valablement faire opposition avant même que le délai ne coure, c’est-à-dire dès qu’ils ont connaissance de la cession. » .

c) La nature de la créance

En raison de la nature conservatoire de l’opposition, celle-ci peut concerner des créances non encore exigibles (article L. 121-14 du Code de commerce).

Elle est donc susceptible d’être mise en œuvre pour des impositions ou créances non encore définitivement établies.

La créance doit toutefois exister au jour de la publication de la vente.

Par ailleurs, la créance doit être certaine, dans son chiffre et son origine.

B. Les créanciers concernés

a) Tous les créanciers

Si l’article L. 141-14 du code de commerce donne le droit de faire opposition à « tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible », l’opposition au prix de cession de fonds de commerce n’est réellement opportune que pour les créanciers chirographaires.

En effet, l’article L. 143-12 du Code de commerce prévoit que les privilèges du vendeur et du créancier gagiste suivent les fonds en quelques mains qu’il passe.

A titre de précision, peu importe que les créanciers soient antérieurs ou postérieurs à la vente.

b) L’Administration Fiscale

L’Administration Fiscale peut également être créancière du vendeur du fonds.

Dans ce cas, elle doit effectuer ce que l’on appelle « un avis à tiers détenteur », c’est à dire l’acte par lequel l’Administration Fiscale fait savoir qu’elle est créancière d’une dette. C’est donc une sorte de procédure d’opposition, mais il s’agit d’une mesure différente.

Contrairement aux autres créanciers, l’avis à tiers détenteur de l’Administration Fiscale n’est pas enfermé dans un délai.

C. Les effets de l’opposition

Protéger les créanciers

La procédure d’opposition, en tant que mesure conservatoire, a pour effet le maintien de l’indisponibilité du prix, pour le vendeur, du fait de la mise sous séquestre. En effet, l’indisponibilité est absolue durant tout le délai d’opposition, et peut être prolongée même après expiration du délai d’opposition.

Cette mesure a pour principal objectif de protéger les créanciers, aucun paiement libératoire ne peut donc intervenir au préjudice des créanciers opposants. Un tel paiement leur serait effectivement inopposable.

L’impossibilité de payer tous les créanciers

Il peut arriver que les fonds mis sous séquestre, ne permettent pas de payer tous les créanciers, cette hypothèse n’est pas interdite par la loi qui ne proscrit pas la réalisation d’une vente dont le prix ne pourrait pas couvrir toutes les créances. Mais une telle vente suppose, soit l’existence d’une dissimulation du prix, soit que l’entreprise est dans une situation tellement précaire, qu’elle se trouve en état de cessation des paiements.

Dans la pratique, la vente n’aura pas lieu dans de telles conditions, il vaudra mieux, soit établir un prix admissible, soit déposer le bilan.

De plus, la loi a permis aux créanciers inscrits de surenchérir à hauteur du dixième, c’est à dire que si un créancier inscrit se rend compte que le prix de vente du fonds de commerce ne permettra pas de le rembourser, il peut offrir d’acheter le fonds au prix proposé, avec un supplément de 10%.

Aussi, très souvent dans le cadre des procédures collectives, le prix de vente du fonds de commerce ne permet pas de rembourser tous les créanciers.

Dans ce cas, ces derniers bénéficient d’un droit de suite, c’est à dire que si le fonds de commerce nantis est vendu sans que le créancier nantis soit désintéressé, il aura la possibilité de saisir le fonds pour être payé, et ce, peut important les mains dans lesquelles se trouve le fonds de commerce.

En effet, l’acquéreur est réputé être au courant dès lors que la publication a rendu le nantissement erga omnes, c’est à dire opposable à tous.

Ainsi, les seules personnes autorisées par la loi à acheter le fonds de commerce, à la place du repreneur, ce sont les créanciers nantis.

III. Le cantonnement : la saisine du juge

Une fois le délai d’opposition de dix jours dépassé, le vendeur peut se pourvoir en référé pour obtenir la mainlevée des oppositions si elles ont été réalisées sans titre, sans cause, en cas de défaut de formalisme, ou en l’absence d’instance en cours (articles L. 141-15 et L. 141-16 du Code de commerce).

Le vendeur a également la possibilité de demander au juge des référés l’autorisation de percevoir le prix de la vente, à condition toutefois de consigner entre les mains d’un tiers, ou à la caisse des dépôts et consignations, une somme suffisante pour procéder au paiement des oppositions. C’est la procédure de cantonnement. Le juge effectuera ensuite une évaluation et fixera la somme qui pourra être libérée.

Lorsque le juge autorise la libération du prix de vente entre les mains du vendeur, l’acquéreur est libéré et l’indisponibilité de prix occasionnée par les oppositions, se trouve reportée sur la personne en charge des sommes consignées, appelée « tiers détenteur ».

Toutefois, en application de l’article L. 141-15 du Code de commerce, l’acquéreur ne pourra être libéré qu’à la condition qu’il n’ait pas effectué de déclaration inexacte.

En raison de l’exigence d’un formalisme strict, du délai particulièrement court, et du risque que l’opposition soit déclarée nulle et sans effet à cause d’un défaut ou d’un retard dans l’émission de l’opposition, nous vous conseillons vivement de vous rapprocher de notre cabinet qui pourra vous accompagner dans la procédure.

Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit économique, droit de la consommation, droit des contrats, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.

Pour le contacter, appelez-le au 02.40.89.00.70, ou prenez contact au moyen du formulaire de contact afin qu’une réponse vous soit apportée dans les meilleurs délais.

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