Le caractère manifestement illicite du trouble n’est pas établi lorsqu’un doute sérieux existe quant au droit revendiqué par le demandeur
PRESCRIPTION ACQUISITIVE – Conditions – Possession – Acte matériel – Constatations nécessaires
L’existence d’un acte notarié constatant une usucapion est insuffisante pour établir celle-ci et il appartient à la personne qui revendique un droit de propriété d’en rapporter la preuve en établissant des actes matériels de possession
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M. [L] a fait assigner M. [Z] et Mme [X] [N] pour obtenir leur expulsion de la parcelle cadastrée section AE-[Cadastre 1] située à [Localité 4] par eux occupée.
Mme [X] [N] fait grief à l’arrêt d’ordonner son expulsion de la parcelle cadastrée section AE-[Cadastre 1] de la terre [Localité 6] Partie à [Localité 4], au besoin avec le concours de la force publique et sous astreinte de 40 000 francs CFP par jour de retard, alors « que le trouble manifestement illicite justifiant la prescription de mesures en référé n’est pas caractérisé lorsque le droit de propriété d’un bien prétendument violé est justifié par un acte notarié constatant une usucapion ce qui n’établit pas avec certitude un tel droit.
Le pourvoi faisait grief à la cour d’appel de s’être borné, pour retenir l’existence du trouble manifestement illicite et ordonner l’expulsion, à se fonder sur l’acte de partage en la forme notariée, produit aux débats par M. [L], et à énoncer qu’il vaut jusqu’à inscription de faux, sans rechercher, comme il le lui était pourtant demandé, si dès lors que l’acte de partage dressé par le notaire ne faisait que constater une propriété par usucapion il ne pouvait pas constituer une preuve suffisante du droit de propriété.
La Cour de cassation relève qu’en application de l’article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française, le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, tandis que l’article 2229 du code civil applicable en Polynésie française, prévoit que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
D’une part, le caractère manifestement illicite du trouble n’est pas établi lorsqu’un doute sérieux existe quant au droit revendiqué par le demandeur.
D’autre part, il est jugé que l’existence d’un acte notarié constatant une usucapion est insuffisante pour établir celle-ci et il appartient à la personne qui revendique un droit de propriété d’en rapporter la preuve en établissant des actes matériels de possession (3e Civ., 11 juin 1992, pourvoi n° 90-16.439, Bull. 1992, III, n° 199).
Pour dire que le trouble invoqué par M. [L] est manifestement illicite et ordonner l’expulsion de Mme [X] [N] et de M. [Z], l’arrêt retient que ceux-ci contestent la validité de l’acte de partage dont M. [L] tient ses droits et se prévalent d’une usucapion, mais qu’à ce stade du procès il apparaît que cet acte notarié, qui vaut jusqu’à inscription de faux, conserve tous ses effets probants.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cet acte notarié ne se bornait pas à constater une usucapion, de sorte qu’il était insuffisant à fonder sans doute sérieux le droit revendiqué de M. [L], la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Cass. Civ. 3°, 12 sept. 2024 ; Pourvoi n° 23-11.543