EnglishFrench

Prescription biennale et prescription d’une action en reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie

Par une décision en date du 10 novembre 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a eu à répondre à une question intéressant le point de départ de la prescription de l’action en reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie.

En l’espèce, la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, une maladie présentée par l’un des salariés d’une société.

L’employeur a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale (Commission de recours amiable ou Pôle social du Tribunal judiciaire compétent).

La Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine Saint Denis a fait grief à la décision attaquée d’avoir confirmé un premier jugement ayant déclaré inopposable à la société sa propre décision tendant à la prise en charge la maladie professionnelle déclarée par l’un des salariés de la société concernée.

Dans ces conditions, la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine Saint Denis se pourvoit en cassation.

À titre liminaire, il convient de rappeler que la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie résulte d’une décision prise par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

Cependant, certaines maladies présentées par des salariés ne figurent pas dans l’un des tableaux prévus la le Code de la sécurité sociale, en son article L.461-1.

En pareilles circonstances, la CPAM va prendre sa décision de reconnaissance d’une maladie comme étant professionnelle selon un avis conforme motivé par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

L’acceptation ou le refus de la qualification professionnelle d’une maladie par la CPAM présente un caractère définitif en ce qui concerne les rapports entre le salarié et cette dernière.

Ce caractère définitif ne caractérise cependant pas les rapports entre la CPAM et l’employeur de l’assuré social, qui sont indépendants.

Par ailleurs, l’inopposabilité à l’égard d’un employeur de la reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel d’une maladie va avoir pour effet de priver cette dernière de la possibilité de procéder au remboursement des sommes déjà versées.

I- Sur le point de départ de la prescription de l’action en reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie

Il résulte de l’article L. 431-2 dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2004-329 du 15 avril 2004 que:

« Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le livre quatrième du code de la sécurité sociale se prescrivent par deux ans à dater du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.»

Quant à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, il dispose que:

« En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l’accident :

1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;

2° Lorsqu’elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l’article L. 461-5 ;

3° Pour l’application des règles de prescription de l’article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle. »

La Cour de cassation à eu loisir de préciser que l’article L 431-2 du Code de la sécurité sociale faisait assimiler la date à laquelle la victime était informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle à celle de l’accident.

II- Sur l’appréciation de la Cour de cassation des éléments de droit ci-dessus

La Cour de cassation s’est prononcée en ce sens: « En statuant ainsi, alors que le point de départ de la prescription de l’action en reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie est fixé à la date à laquelle la victime a été informée par un certificat médical du lien possible entre la maladie et l’activité professionnelle, et non à la date de la première constatation médicale, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

La Cour de cassation vient donc rappeler que le point de départ de la prescription de l’action en reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie, qui n’est autre qu’une prescription biennale s’imposant au salarié, ne court qu’à partir de la date à laquelle la victime est en possession d’un certificat médical attestant du lien plausible entre ses affections et la profession exercée.

Le délai ne commence donc pas à courir à la date de la première constatation médicale des affections, comme avait pu le retenir la cour d’appel de Versailles.

Il résulte de cet arrêt que la Cour de cassation maintient sa jurisprudence relativement ancienne en la matière, comme en témoigne l’arrêt suivant : Cass civ 2ème, 19 septembre 2013 n°12-21.907.

Cour de cassation, deuxième chambre civile 10 novembre 2022 N° 21-12.497

Commentaire établi en collaboration avec Manon PILORGE, étudiante, M2 Droit de la Santé, UFR DROIT RENNES 1