M. et Mme [U] ont confié à M. [E] (l’architecte), assuré auprès la MAF, la maîtrise d’œuvre de la construction d’une maison d’habitation.
L’exécution du gros œuvre a été confiée à M. [C], assuré auprès de la société MMA IARD. Une partie des travaux de gros œuvre a été sous-traitée à la société Bâtiment El Massira, assurée auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles.
Les travaux ont été achevés en 2001 sans que la réception soit prononcée de manière expresse.
M. et Mme [U] (les vendeurs) ont vendu la maison à M. [S] (l’acquéreur) en 2006.
Se plaignant de fissures infiltrantes et d’un affaissement de la bâtisse et de la terrasse, l’acquéreur a, par actes des 13, 20 et 23 mai 2011, assigné en référé-expertise les vendeurs, M. [C], la société MMA IARD et la société Bâtiment El Massira. L’architecte et la MAF ont été assignés en intervention forcée par les vendeurs.
Après le dépôt du rapport de l’expert, l’acquéreur a, par acte du 16 mai 2014, assigné au fond les vendeurs, l’architecte, la MAF, M. [C] et son assureur. L’architecte a assigné la société Bâtiment El Massira en intervention forcée et la société MMA IARD.
1°) Sur l’acceptation délibérée des risques par le maitre d’ouvrage
Les vendeurs font grief à l’arrêt de les condamner à payer à l’acquéreur, in solidum avec la MAF, la société Bâtiment El Massira et les sociétés MMA la somme de 929 629 euros TTC outre indexation et TVA, de fixer les contributions à la dette en leur laissant une part de 10 % et de rejeter leur demande de garantie intégrale par la MAF, la société Bâtiment El Massira et la société MMA IARD des condamnations prononcées à leur encontre, alors que l’acceptation des risques par le maître de l’ouvrage ne constitue une cause d’exonération pour le constructeur que si elle est consciente et délibérée, le maître de l’ouvrage ayant été informé des risques encourus ; qu’en imputant notamment à M. et Mme [U] le défaut de réalisation d’étude de sol et d’étude de béton sans constater que ceux-ci avaient été informés de la nécessité de faire réaliser lesdites études et avertis des risques encourus du fait de leur absence de réalisation, alors que M. et Mme [U] contestaient avoir reçu de telles informations, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792 du code civil.
Au visa de l’article 1792 du code civil, la Cour de cassation rappelle que le maître de l’ouvrage, condamné à réparation au profit de l’acquéreur au titre d’une responsabilité de plein droit, ne peut, dans ses recours contre les constructeurs, conserver à sa charge une part de la dette de réparation que si une faute, une immixtion ou une prise délibérée du risque est caractérisée à son encontre.
Pour laisser aux vendeurs, maîtres de l’ouvrage, une part de la dette commune dans leurs rapports avec les constructeurs et leurs assureurs, l’arrêt retient qu’ils ont voulu faire des économies substantielles en ne commandant pas d’étude de sol et de béton.
En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi les maîtres de l’ouvrage avaient été parfaitement mis en garde et informés, par les locateurs d’ouvrage, des risques encourus par l’ouvrage à défaut de réalisation d’une étude de sol et de béton, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
2°) Sur l’immixtion fautive du maître d’ouvrage
Les vendeurs font le même grief à l’arrêt, alors « que l’immixtion fautive du maître de l’ouvrage ne constitue, pour le constructeur, une cause d’exonération que si celui-ci est compétent en matière de construction et s’immisce, par des actes positifs, dans la réalisation des travaux ; qu’en imputant une immixtion au seul motif qu’ils avaient donné leur accord à la désignation de M. [C] comme entrepreneur gros œuvre et alors qu’elle observait que M. et Mme [U] étaient profanes en matière de construction, la cour d’appel a violé l’article 1792 du code civil.
Au visa de l’article 1792 du code civil, la Cour de cassation relève que l’immixtion du maître de l’ouvrage n’est fautive que si celui-ci est notoirement compétent.
Pour laisser aux vendeurs, maîtres de l’ouvrage, une part de la dette commune dans leurs rapports avec les constructeurs et leurs assureurs, l’arrêt retient que, selon le rapport d’expertise, l’architecte, en accord avec M. [U], a désigné M. [C] comme entrepreneur gros œuvre, ce qui constitue une immixtion du maître de l’ouvrage dans le choix des entreprises gros œuvre.
En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une immixtion des maîtres de l’ouvrage dans les travaux, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 juillet 2025, 23-20.135 23-20.147 23-22.518, Inédit