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CONSTRUCTION : appréciation de l’impropriété à destination et l’impossibilité d’imposer une réparation en nature

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En application de l’article 1792 du code civil, la Cour de cassation rappelle que l’appréciation de l’impropriété à destination de l’installation d’une centrale photovoltaïque sur la toiture d’un bâtiment agricole, se fait par rapport à l’affectation de l’ouvrage. Ainsi la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché, si la condensation affectant ainsi la toiture devant assurer la couverture d’un bâtiment affecté au stockage de grains, ne rendait pas l’ouvrage impropre à sa destination contractuelle dès lors que toute humidité entraîne le pourrissement de ces grains.

Par ailleurs, la Cour de cassation casse l’arrêt aux motifs que l’entrepreneur, responsable de désordres de construction, ne peut imposer à la victime la réparation en nature du préjudice subi par celle-ci,. Dès lors, le juge du fond ne peut condamner un constructeur responsable de désordres à procéder à leur reprise en nature, lorsque le maître de l’ouvrage s’y oppose.

Cass. 3e civ., 16 janv. 2025 ; Pourvoi n° 23-17.265

En détail :

La société La Dormoise a confié l’installation d’une centrale photovoltaïque en toiture de bâtiment agricole à la société Hanau énergies concept (la société Hanau), assurée auprès de la société Axa France IARD.


Se plaignant de désordres, elle a, après expertise, assigné les sociétés Hanau et Axa en indemnisation de ses préjudices.

Sur l’appréciation de la destination d’un ouvrage par rapport à son affectation

La société La Dormoise fait grief à l’arrêt de dire que la société Hanau n’est pas responsable des problèmes de condensation dus à l’absence d’écran sous toiture, et de rejeter sa demande indemnitaire à ce titre et sa demande en garantie à l’encontre de la société Axa, alors « que l’impropriété d’un ouvrage à sa destination doit s’apprécier par référence à la destination convenue entre les parties ; qu’en se contentant de relever, pour écarter la responsabilité décennale de la société Hanau au titre des désordres de condensation affectant la toiture, que les « phénomènes de condensation qui sont dus à l’absence d’écran sous-toiture » « ne rendent pas l’ouvrage impropre à sa destination », sans rechercher ainsi qu’elle y était invitée, si la condensation affectant ainsi la toiture devant assurer la couverture d’un bâtiment affecté au stockage de grains, ne rendait pas l’ouvrage impropre à sa destination contractuelle dès lors que toute humidité entraîne le pourrissement de ces grains, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil. »

Au visa de l’article 1792 du code civil, la Cour de cassation rappelle que l’impropriété de l’ouvrage à sa destination s’apprécie par référence à sa destination découlant de son affectation, telle qu’elle résulte de la nature des lieux ou de la convention des parties (3e Civ., 10 octobre 2012, pourvois n° 10-28.309, 10-28.310, publié ; 3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi n° 11-25.198, publié ; 3e Civ., 20 mai 2015, pourvoi n° 14-15.107, publié).

Pour écarter le caractère décennal des désordres de condensation et rejeter la demande d’indemnisation, l’arrêt retient que, si les phénomènes d’infiltration dus à un défaut d’étanchéité causé par le mauvais placement de la parclose rendaient la toiture fuyarde et relevaient de la garantie décennale, les phénomènes de condensation dus à l’absence d’écran sous toiture ne rendaient pas l’ouvrage impropre à sa destination.


En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la condensation affectant la toiture d’un bâtiment affecté au stockage de grains ne rendait pas l’ouvrage impropre à sa destination, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le rejet de la réparation en nature, à défaut d’accord du maître d’ouvrage

La société La Dormoise fait grief à l’arrêt de condamner la société Hanau à faire poser le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques Just Roof dans un délai de trois mois, alors « qu’une réparation en nature d’un désordre ne saurait être imposée à un maître de l’ouvrage ; qu’en condamnant la société Hanau à faire poser le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques Just Roof afin de mettre fin aux infiltrations de la toiture, quand la société La Dormoise s’opposait à ce mode de réparation, la cour d’appel a violé les articles 1792 et suivants du code civil. »

Au visa de l’article 1792 du code civil, la Cour de cassation rappelle que l’entrepreneur, responsable de désordres de construction, ne peut imposer à la victime la réparation en nature du préjudice subi par celle-ci (3e Civ., 28 septembre 2005, pourvoi n° 04-14.586, publié).



Dès lors, le juge du fond ne peut condamner un constructeur responsable de désordres à procéder à leur reprise en nature, lorsque le maître de l’ouvrage s’y oppose.


Pour condamner la société Hanau à faire poser le kit de réparation des panneaux photovoltaïques, l’arrêt retient que doivent être réparés les seuls désordres d’infiltration sous toiture, que la solution tenant à la pose d’un kit de réparation permet de remédier aux infiltrations et que celle-ci constitue une réparation proportionnée et adaptée au dommage sans enrichissement pour le maître de l’ouvrage.


En statuant ainsi, alors que la société La Dormoise s’était opposée à la réparation en nature par la société Hanau, la cour d’appel a violé le texte susvisé.