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CCMI : garant de livraison, entre obligation de lever les réserves quelles qu’elles soient, absence de recours contre l’assureur DO, et pénalités de retard jusqu’à la livraison de l’ouvrage devenu habitable.

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Le 12 avril 2011, M. [H] a conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan avec la société Elyseo, la date de livraison étant prévue au 22 août 2012.

Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la SMABTP, qui était également assureur décennal du constructeur. La société CGI Bat a accordé une garantie de livraison.

La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 6 septembre 2012 et M. [H] a émis des réserves complémentaires par lettre recommandée du 12 septembre 2012.

Se plaignant de désordres et de l’absence de levée des réserves, M. [H] a assigné, après expertise judiciaire, les sociétés SMABTP, CGI Bat et Elyseo en indemnisation et désignation, par le garant de livraison, d’un constructeur pour réaliser les travaux nécessaires à la levée des réserves.

1°) sur l’obligation de lever les réserves, quelles qu’elles soient

La société CGI Bat fait grief à l’arrêt de la condamner à désigner une entreprise pour procéder à la levée des réserves émises lors de la réception le 6 septembre 2012 et dans la lettre recommandée du 12 septembre 2012, alors que le garant de livraison ne couvre pas le maître de l’ouvrage contre les désordres décennaux ; qu’en l’espèce, la CGI Bat faisait valoir que la majorité des réserves émises correspondaient à des désordres décennaux, n’entrant pas dans le champ de ses obligations de garantie.

La cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rappelé que le garant de livraison, tenu des prestations prévues au contrat originaire, devait désigner un repreneur et lui donner mission de réaliser tous les travaux nécessaires à la levée des réserves, quels qu’ils soient, à savoir des travaux d’achèvement, de réparation des désordres et non-façons.

Elle a relevé que des réserves avaient été émises dans le procès-verbal de réception du 6 septembre 2012, ainsi que dans une lettre recommandée du 12 septembre 2012, envoyée dans le délai de huit jours à compter de la réception, de sorte que la société CGI Bat devait désigner une entreprise pour procéder à la levée des réserves figurant dans les deux documents précités.

2°) sur l’absence de garantie de l’assureur DO, s’agissant d’une obligation de faire

Pour rejeter le recours formé par la CGI Bat à l’encontre de l’assureur dommage-ouvrage, la Cour d’appel a opposé que le garant n’a pas été condamné à reprendre des désordres décennaux.

Or, la CGI Bat a été condamnée à désigner une entreprise pour reprendre les désordres afférents aux fondations, qui sont de nature décennale.

De plus le pourvoi prétendait qu’une partie assignée en justice est en droit d’en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ; qu’une telle action ne suppose pas que l’appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial. Ainsi le garant de livraison qui prend en charge la réparation de désordres de nature décennale bénéficie d’un recours contre l’assureur « dommages-ouvrage ».

La cour d’appel a rejeté le recours en garantie exercé par la CGI Bat, garant, à l’encontre de la SMABTP, assureur dommage-ouvrage, au motif que la CGI Bat ne peut exercer un recours qu’après avoir payé.

La cour de cassation rejette le moyen au motif que le garant de livraison devait être condamné à désigner un constructeur pour procéder à la levée des réserves, sans qu’il pût être garanti de cette seule condamnation prononcée à son encontre, laquelle consiste en une obligation de faire, par l’assureur dommages-ouvrage.

3°) la livraison, terme des pénalités de retard, s’apprécie au jour où la maison est habitable

La société CGI Bat contestait les pénalités de retard appliquées, considérant qu’elles avaient pour terme la livraison de l’ouvrage et non sa réception avec ou sans réserves.

Selon le pourvoi, la livraison s’opère par la prise de possession de l’ouvrage et donc à l’entrée dans les lieux, tandis que la cour d’appel considérait les pénalités de retard courraient jusqu’à la levée de l’ensemble des réserves, quand bien même le maître d’ouvrage était entré dans les lieux avant la levée des réserves.

La cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir retenu qu’il résultait du rapport d’expertise et du constat d’huissier de justice du 14 mars 2019 que la maison n’était pas habitable et que l’emménagement du maître de l’ouvrage de novembre 2013 à février 2014 avait été seulement temporaire en raison de conditions de logement trop inconfortables de sorte qu’il ne pouvait constituer une prise de possession par le maître de l’ouvrage et le terme des pénalités de retard.

4°) les pénalités de retard sont dues jusqu’à la date de livraison de l’ouvrage, et non la levée des réserves

La société CGI Bat fait le même grief à l’arrêt, alors « que la livraison s’entend de la remise par le constructeur d’un immeuble habitable ; qu’en décidant que la CGI Bat était redevable de pénalités de retard jusqu’à la levée de l’ensemble des réserves, sans constater que la levée de l’ensemble des réserves était nécessaire pour rendre la maison habitable, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation. »

Au visa des articles L. 231-2, i, et L. 231-6, I, c, du code de la construction et de l’habitation, la cour de cassation relève que les pénalités prévues dans un contrat de construction de maison individuelle en cas de retard ont pourterme la livraison et non la levée des réserves consignées à la réception.

Pour condamner le garant de livraison à payer au maître de l’ouvrage une somme au titre des pénalités de retard à compter du 17 octobre 2020 et jusqu’à la levée des réserves, la cour d’appel retient que la maison n’est pas habitable et que si des travaux limités ont été réalisés par le constructeur désigné par le garant depuis le jugement de première instance, l’achèvement de l’immeuble exige la reprise préalable intégrale des fondations ainsi que de nombreux travaux.

La cour de cassation casse l’arrêt en retenant que le garant de livraison sera condamné à payer les pénalités, non jusqu’à la levée des réserves mais jusqu’à la date de livraison de l’ouvrage.

Cass. Civ. 1ère, 8 févr. 2023 ; Pourvoi n° 21-16.914

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