Si l’ensemble législatif consacré à la réglementation des instruments de paiement constitue un dense corpus aux complexes ramifications (Articles 131-1 et suivants du Code Monétaire et Financier), il était à priori acquis – et ce depuis au moins 1804, que le consentement d’une partie à un contrat ne pouvait être valide s’il a été donné par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol (Ancien article 1109).
Et pourtant, c’est précisément sur ce point à priori classique que la Chambre Commerciale de la Cour de cassation a eu, en juin dernier [1], l’opportunité d’éclairer l’interprétation des dispositions du Code Monétaire et Financier.
1. En effet, l’instance est introduite par un couple qui, au terme de l’envoi de deux ordres
de virements pour un total de 100.000€, s’aperçoit que les fonds ont, suite à une modification frauduleuse de l’IBAN figurant sur les ordres de virement, été versés à un tiers dont ils n’avaient pas connaissance.
2. Ces derniers assigneront la Banque Postale en remboursement. Néanmoins, après une première audience au fond où les demandeurs seront déboutés, ils feront face à une décision particulièrement controversée de la Cour d’appel de Paris.
3. En effet, les demandeurs s’appuyaient sur l’article L. 133-18 du Code monétaire et financier, à la lettre duquel toute opération de paiement non autorisée et signalée dans les délais prévus, le prestataire de services de paiement est contraint de rembourser immédiatement au payeur le montant de l’opération non autorisée.
4. Néanmoins, c’est sur la notion d’opération non autorisée que la juridiction parisienne fondera les motifs de son rejet. Pour celle-ci, si l’article L. 133-18 du Code monétaire et financier ne vise, pour engager le remboursement immédiat des sommes indûment virées par l’établissement bancaire, que les opérations non
autorisées, il subsiste pour la Cour d’appel qu’un ordre de virement valide initialement mais falsifié dans l’intervalle entre le dépôt de l’ordre de virement et le mouvement effectif des fonds ne constitue pas un virement non autorisé.
5. C’est en ce sens que la Cour d’appel ajoutera qu’ils ne pouvaient rechercher la responsabilité de la Banque Postale que sur le fondement d’une faute – ce qui est opportun, dès lors que la même juridiction déchargera l’établissement bancaire de toute responsabilité, considérant que celui-ci justifiait des diligences entreprises pour tenter de récupérer les fonds dès {qu’il} a été informé de la malversation.
6. Les appelants formeront pourvoi en cassation et soutiendront, selon le moyen au pourvoi, que l’article L. 133-18 ne distingue pas, pour engager l’obligation de l’établissement bancaire de rembourser les fonds malversés, que l’ordre de virement soit faux ab initio ou encore valide mais falsifié.
Précisément, les pourvoyeurs argueront qu’en opérant une distinction là où la loi n’en fait pas, mais encore en
soumettant les ordres de virement falsifiés à un régime de responsabilité pour faute du banquier, la cour d’appel aurait violé les articles précités en leur rédaction précédant l’ordonnance n°2017/1252 du 9 août 2017.
7. Finalement, c’est par le biais d’un arrêt assez sobre que la Cour accueillera les prétentions des pourvoyeurs. Celle-ci rappellera en effet qu’un ordre de virement régulier lors de sa rédaction mais ultérieurement falsifié reste, dans l’absolu, une opération non autorisée.
Cette stricte interprétation des textes précités s’annonce une bonne nouvelle pour l’ensemble de la clientèle en banque, dès lors que la volonté initiale du cocontractant semble ici l’emporter sur les intérêts du prestataire de services de paiement.
En effet, les dispositions de l’article L. 133-18 du Code monétaire et financier constituent un mécanisme de droit acquis à tout usager de services bancaires victime d’un mouvement de fonds non autorisé. Précisément, ce dernier n’a à priori pas à assigner son établissement bancaire en remboursement dès lors que ce second est contraint par la loi de garantir toute opération dont il est prestataire.
Enfin, cette décision semble s’inscrire dans ce qui apparaît comme une large tendance du législateur — français comme européen, à redoubler d’efforts aux fins d’assurer une meilleure protection du consommateur sur le continent.
[1] 1 juin 2023 / n° 21-19.289, n° 21-21.831